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Etablir un corpus de livres anciens

Edition, émission, état, exemplaire...

Avant de se lancer dans la recherche des ouvrages, il est important d'avoir quelques notions de base en tête. Le livre imprimé ancien est un objet artisanal, et contrairement à aujourd'hui, tous les livres sortis des mêmes presses ne sont pas forcément identiques. On distingue notamment les notions suivantes:

  • Edition: on désigne par "édition" l'ensemble des exemplaires d'une œuvre, imprimés en un seul tirage, ou en plusieurs si le texte ou la composition typographique n'ont pas été modifiés (définition du Trésor de la langue française informatisé).
  • Emission: au sein d'une édition, on distingue plusieurs émissions s'il y a eu plusieurs tirages d'un même ouvrage, en conservant la composition typographique, avec parfois des modifications marginales (notamment en ce qui concerne la page de titre, dans le cas par exemple d'éditions partagées).
  • Etat: une édition ou une émission peut comprendre plusieurs états, lorsqu'il y a des modifications en cours d'impression (le cas typique est la correction de coquilles ou d'un numéro de page, l'impression commençant généralement juste après le tirage des épreuves, mais la présence de plusieurs états d'une même édition peut aussi résulter d'une censure).
  • Exemplaire: un exemplaire est une unité d'une édition. Lorsque l'ouvrage est en plusieurs volumes, le terme d'exemplaire désigne l'ensemble intellectuellement cohérent (en deux, quatre, quinze volumes). Plusieurs exemplaires différents d'éditions différentes peuvent par ailleurs être reliés au sein d'un même volume (on parle dans ce cas de recueil factice). L'exemplaire est par définition unique: on décrit de manière séparée ce qui le caractérise et ce qui relève de l'édition.

Pour aller plus loin, voir les explications détaillées de Dominique Varry, professeur d'histoire du livre à l'Ecole nationale supérieure des sciences des bibliothèques.

Quelques éléments de vocabulaire spécialisé

Quelques définitions de termes que vous pourriez trouver dans les outils de recherche des bibliothèques patrimoniales.

Adresse typographique: dans un livre imprimé ancien, indication temporelle et géographique relative à l'ouvrage (indiquant généralement le point de vente). Exemple: "A Paris, De l'Imprimerie de Federic Morel, rue S. Jean de Beauvais au franc Meurier. M.D.LXI." (Dans ce cas, on trouvera aussi souvent "Paris, chez Frédéric Morel, 1561".)

Bibliographie matérielle: on l'appelle aussi "archéologie du livre ancien". Il s'agit de la science permettant de décrire un livre ancien dans toutes ses composantes matérielles, en mettant en évidence le processus de fabrication.

Cahier: un livre ancien est constitué de feuilles pliées et assemblées entre elles. On appelle cahier l'ensemble des feuillets (voir ce mot) issus de la même feuille pliée. Voir "format bibliographique".

Collation: il s'agit du recensement de tous les éléments constitutifs d'un livre, permettant de vérifier sa complétude (nombre de cahiers et leur numérotation, nombre de planches gravées s'il y a lieu, etc.)

Colophon: indication imprimée à la fin d'un livre, indiquant où, quand et par qui le livre a été imprimé. On parle aujourd'hui d'achevé d'imprimer pour un livre moderne.

Editeur: la notion d'éditeur au sens moderne du terme (éditeur commercial) n'existe qu'à partir du XIXe siècle. En fonction des époques et des ateliers, c'est soit l'imprimeur, soit le libraire qui prend en charge cette fonction. Par ailleurs, on trouve dans certains ateliers des personnages qui prennent en charge une fonction d'éditeur scientifique, notamment lorsqu'il s'agit de mettre sous presse des textes anciens. Ces personnages ont parfois un rôle qui s'apparenterait aujourd'hui à celui d'un directeur de collection. Cependant, ils ne sont jamais appelés éditeurs. Voir "imprimeur" et "libraire".

Ex-libris: indication placée par le possesseur d'un livre dans celui-ci pour attester de cette possession. Ces ex-libris peuvent être manuscrits (voire une simple indication de nom) ou imprimés (ils prennent alors la forme d'une étiquette collée dans le livre par son propriétaire).

Feuillet: un feuillet est l'unité qui regroupe deux pages recto et verso. De nombreux livres anciens sont foliotés, c'est-à-dire qu'ils sont numérotés par feuillets, et non par pages. Dans un manuscrit, on parle aussi de folio.

Format bibliographique: le format des livres anciens n'indique pas leur taille physique, mais la façon dont ils sont pliés. Par exemple, un in-octavo (in-8) est un livre dont les cahiers sont constitués de feuilles pliées en 8, un in-folio est un livre dont les cahiers sont constitués de feuilles pliées en 2. Voir "cahier".

Gothique: famille de caractères typographiques ressemblant à l'écriture manuscrite couramment employée dans les livres à la fin du Moyen-Age et au début du XVIe siècle. Une variante souvent utilisée en France est la bâtarde.

Gravure: ensemble des techniques utilisant le creusement ou l'incision pour produire une image ou un texte. Dans les outils bibliographiques, le terme désigne également le résultat imprimé, utilisé pour l'illustration d'un livre.

Imprimeur: dans la chaîne de production du livre, l'imprimeur est l'artisan qui procède à la fabrication matérielle du livre imprimé. Un imprimeur à la tête d'un atelier est un maître, possédant ses presses et généralement son matériel typographique et d'illustration. Certains imprimeurs sont également libraires, surtout aux XVe et au XVIe siècle. Voir "libraire".

Incunable: du latin incunabula, qui signifie "berceau", ce mot désigne les tout premiers livres imprimés. Plus précisément, on appelle incunable un livre imprimé avant la fin de l'année 1500.

Italique: famille de caractères typographiques inventée au tout début du XVIe siècle par le Vénitien Alde Manuce, imitant l'écriture humanistique.

Lettre d'attente: dans un manuscrit, le scribe laissait la place pour que l'enlumineur peigne la lettrine (voir ce mot), et traçait dans l'espace laissé libre, en petit, la lettre qui devait y figurer. On appelle cela une lettre d'attente. On en trouve également dans certains incunables, qui devaient être enluminés mais ne l'ont jamais été. Il arrive que certaines éditions plus tardives, au XVIe siècle, en contiennent.

Lettrine: dans un manuscrit, la lettrine (ou initiale) désigne la première lettre d'un bloc de texte (généralement un chapitre), agrandie pour mettre en valeur ce début. Le procédé est repris dans l'imprimerie, où on a recours à des lettrines gravées. Lorsqu'il y a un décor, on parle de lettrine ornée, et lorsque ce décor est une scène narrative, on parle de lettrine historiée.

Libraire: le libraire est le marchand qui vend le livre. A l'époque du livre imprimé ancien, le libraire est le plus souvent celui qui est à l'initiative de la publication d'un livre. Lorsqu'un libraire participe à la publication d'un livre (en avançant les frais, en fournissant le papier, parfois en prêtant une partie du matériel, notamment d'illustration), son nom est mentionné au même titre (et souvent de façon plus visible) que celui de l'imprimeur dans l'ouvrage. Certains libraires sont également imprimeurs, surtout aux XVe et au XVIe siècle. Voir "imprimeur".

Réclame: la réclame est le premier mot d'une page inscrit en bas à droite de la page précédente, dans le pied-de-page. Sa fonction est à la fois de faciliter la lecture et le pliage correct des cahiers (voir ce mot) par le relieur.

Romain: famille de caractères typographiques imitant ce que les humanistes pensaient être l'écriture de la Rome antique (en réalité, elle s'inspire des inscriptions présentes sur les monuments antiques pour les majuscules, et de l'écriture des plus anciens manuscrits alors connus des textes des auteurs antiques, qui remontaient à l'époque de Charlemagne, pour les minuscules). Il s'agit de la famille de caractères utilisée de la façon la plus fréquente aujourd'hui (ce tutoriel est en caractères romains).

Signature: la signature apparaît en bas à gauche, dans le pied-de-page, au recto des feuillets (généralement, on ne la trouve que sur la première moité du cahier). Il s'agit d'un code généralement alpha-numérique servant à numéroter cahiers et feuillets dans le bon ordre, pour permettre au relieur d'assembler correctement le livre. Ce sont ces indications que l'on utilise pour réaliser la collation. Voir "cahier", "collation" et "feuillet".